Réflexions sur le business, les marques, et les pâtisseries (Série Stratégie 1)

Ceci est le premier article d’une série de réflexions sur la stratégie, et mon rôle de consultant indépendant. Pour plus de contexte, je recommande de lire le préambule, qui contient aussi la liste complète des articles de la série.

Comme mentionné dans le préambule, j’ai tendance à commencer ce genre de projet avec une vue d’ensemble, et cela me semble approprié ici aussi; même si le contenu peut sembler basique pour ceux qui sont familiers avec ces sujets. Ceci dit, Je trouve personnellement intéressant d’apprendre comment d’autres dans le métier définissent des termes de base dans leurs écrits, j’espère que d’autres trouveront ce mon point de vue intéressant aussi.

Pour la grande majorité de notre société globale et majoritairement capitaliste, un business génère de la valeur (une entreprise, mais j’utilise le terms anglais exprès, parce qu’en général ça peut englober plus de types d’organisations que des entreprises), généralement sous la forme de produits et services (ou peut-être la promesse de valeur, lorsqu’il s’agit de startups et de certains produits financiers, par exemple). Il fournit en quelque sorte la valeur générée; et bénéficie en obtenant, ou en gagnant, une nouvelle valeur en retour (généralement, vendre et gagner un revenu).

Historiquement, les propriétaires d’entreprise avaient peu d’utilité pour des agents externes qui les les aideraient à réfléchir à leur business. Pendant longtemps (et encore aujourd’hui), les personnes sur lesquelles ils auraient pu compter pour leur apporter du conseil chaque fois que le besoin s’en faisait sentir étaient probablement des membres de la famille, des mentors, des pairs, et peut-être des membres d’une guilde, ou d’une association professionnelle.

A titre d’exemple, ce diagramme synthétise l’activité d’un boulanger local. Je ne pense pas que cela ait beaucoup changé au cours des siècles. Certaines peuvent avoir changé, bien que pour la plupart, les boulangeries en France (où je vis) opèrent toujours avec ce genre de structure.

Les gens qui achètent le pain sont indiquées entre parenthèses dans ce diagramme ci-dessus par souci de contexte et de simplicité. Nous y reviendrons dans un prochain post.

Pendant longtemps, jusqu’à la Renaissance (du moins pour le monde occidental), il n’y avait sans doute pas besoin de pensées nouvelles dans les affaires, car il n’y avait pas tellement de choses ou idées nouvelles tout court (d’un côté, la société était dominée par les monarchies et les religions, qui ne voulaient pas partager leur pouvoir avec les gens et les entreprises plus que strictement nécessaire, mais c’est un tout autre sujet).

Dans Sapiens: Une brève histoire de l’humanité, Pr. Yuval Noah Harari écrit ce qui suit, tiré de Maddison World Economy vol.1 «Revenu national brut par habitant, 2009» (ma traduction de l’anglais – et en passant j’ai trouvé la critique du Monde Diplomatique sur le bouquin assez dure, je ne suis pas d’accord avec, je le trouve réductrice et pédante, mais bon je suis biaisé; j’ai beaucoup aimé le livre):

« Pourtant, pour comprendre l’histoire économique moderne, il vous faut vraiment comprendre un seul mot. Ce mot est croissance. […] Pendant la plus grande partie de l’histoire, l’économie est restée sensiblement la même. […] En 1500, la production mondiale de biens et services équivalait à environ 250 milliards de dollars; aujourd’hui, elle oscille autour de 60 milliards de dollars. Plus important encore, en 1500, la production annuelle par personne était en moyenne de 550 dollars, alors qu’aujourd’hui, chaque homme, femme et enfant produit en moyenne 8 800 dollars par an. » ~ Pr. Yuval Noah Harari

Il y a beaucoup à apprendre de l’histoire de l’économie et des affaires modernes, mais tout les cas il semble que la poursuite de la croissance ait nécessité des nouvelles idées et manières de penser, à la fois pour générer cette croissance et pouvoir comprendre les complexités qu’elle engendre. Ce qui, je crois, a donné naissance à des secteurs d’activité comme le mien, du moins en partie. Cela pourrait être comme la question de la poule ou de l’œuf (une nouvelle pensée scientifique est peut-être venue en premier, menant à l’innovation, à la complexité, à la croissance et à la réflexion commerciale), mais en tout cas je veux dire que la croissance a été accompagnée avec des nouvelles manières de penser et des nouvelles idées.

On va faire un bond et considérer un modèle de business moderne pour le comparer avec le précédent. Voici un schéma de base pour Facebook en tant que business. C’est probablement incomplet vu que chaque bulle peut facilement être bien plus détaillée. L’idée est qu’on a tout de même deux fois les bulles comparé à la boulangerie, donc plus complexe.

Je parle de business et d’économie moderne; c’est un domaine d’étude complexe, je lis sur le sujet, mais je ne suis pas un expert.

Je connais mieux les domaines de l’image de marque et de la communication marketing. Le business et les marques sont des notions corrélées, imbriquées, mais aussi distinctes.

Dans sa forme la plus élémentaire, une marque (dans le sens brand, en anglais) est une manière, ou un ensemble de manières, de faire référence à quelque chose et de pouvoir le reconnaître.

À mon avis, toutes les entreprises ont des marques, bien que toutes les marques ne soient pas des entreprises (avoir et / ou être une marque est un tout autre sujet, pour une autre fois).

Pour reprendre l’exemple du boulanger, une boulangerie est une boulangerie (ben oui là c’est évident qu’en français ça ne veut plus dire grand chose, mais il fallait bien l’expliquer en anglais).

L’autre jour, je me promenais dans Paris avec une amie qui visitait pour la première fois. Alors que nous passions devant une boulangerie, elle m’a demandé: «Je comprends ce que veut dire boulangerie, mais comment les reconnaissez-vous l’une d’une autre?»

La question m’a scié. Je ne l’ai même pas comprise au début.

J’ai répondu: «Je ne suis pas sûr de ce que tu veux dire? C’est une boulangerie, c’est indiqué sur le panneau. Tu entres, tu achètes du pain, des viennoiseries, des pâtisseries, etc. Voilà tout. »

Un Paris-Brest

«Ok, mais comment est-ce que vous vous référez à cette boulangerie là, précisément, vu qu’elles s’appellent toutes boulangerie? Par example, si tu en parles à quelqu’un d’autre? Tu donnes l’addresse? »

J’étais assez perplexe. En fait, je n’aurais jamais pensé que les boulangeries nécessitaient plus de spécifications que le panneau ou la dénomination classique, même si trouver du bon pain c’est important pour moi. C’est vrai que quand des amis visitent chez moi et que je veux leur dire où se trouve le meilleure boulangerie des trois ou quatre qui sont près de chez moi, je précise en disant où elle est exactement située.

Cela semble être une bonne analogie pour la marque de ce type d’entreprise locale. Un terme générique, pas plus compliqué que les signes et les noms de base pour reconnaître le type de business. Bien sûr, il y a d’autres manières de reconnaître une boulangerie en tant que marque, par exemple inclure les délicieuses odeurs, les produits dans la vitrine, les clients qui en ressortent avec du pain frais, etc.

Les croissants délicieux de la boulangerie près de chez moi, sur la Place Maubert.

J’ai quand même aussi dit à mon amie que certaines boulangeries ont davantage un nom de marque, le plus souvent le nom du boulanger ou du propriétaire, bien que cela semble être une tendance assez récente. Et certains noms plus connus ont exporté des succursales à l’étranger. Au sujet de ma boulangerie locale, elle s’appelle La Maison d’Isabelle, notez à quel point le nom (et leur grand panneau de prix) est mis en évidence:

C’est un moyen assez simple d’exprimer une marque sur la base de ce qui est généralement un business simple. Je ne veux pas dire que la boulangerie est un métier facile, au contraire, mais c’est généralement une structure assez simple – même si elle peut être légèrement plus complexe que mon schéma d’origine. Je connais des boulangeries qui font du pain à la fois pour leurs clients locaux et qui livrent également aux restaurants, par exemple.

Nous pouvons également, espérons-le, convenir que le diagramme ci-dessus pour Facebook est extrêmement simplifié, en particulier pour une entreprise de plus de 55 000 employés, 2,7 milliards d’utilisateurs actifs par mois, et évaluée à plus de 748 milliards de dollars.

Malgré toute cette complexité, d’une certaine manière nous pouvons synthétiser le diagramme précédent encore plus succinctement, comme ceci:

ou même réduire à l’icône qui est peut-être sur votre smartphone:

L’essai fondateur de Stephen King de JWT écrit en 1971 «Qu’est-ce qu’une marque?» traite de la relation indissociable entre la marque et l’entreprise. Il commence par expliquer les origines des marques, du marketing et de la publicité en tant que développements d’entreprises. Il illustre en outre le cœur du business tel que défini dans le dictionnaire, c’est-à-dire les aspects commerciaux et lucratifs d’une entreprise; ventes, et parts de marché.

Plus précisément, l’objectif de l’article était de partager sa réflexion sur l’évolution de la relation entre les fabricants, les grossistes et les détaillants; et de l’importance de développer une marque forte au sein de cette dynamique.

Il détaille en outre «ce qui fait le succès d’une marque», ce qui signifie: «être capable de générer de la valeur et des bénéfices sur le long terms».

«Premièrement, il faut que ce soit une totalité cohérente, pas beaucoup de petits morceaux. Le produit physique, le packaging et tous les éléments de communication – nom, style, publicité, prix, promotions, etc. – doivent être réunis dans une seule personnalité de marque. Deuxièmement, elle doit être unique et en constante évolution pour rester unique, car c’est grâce à son caractère unique que la marque peut offrir des marges bénéficiaires durables. » ~ Stephen King

Pour toute personne préoccupée par l’idée qu’une personnalité de marque soit une mesure trop vague pour son entreprise, dans Ogilvy on Advertising, David Ogilvy, alias «le magicien le plus demandé du secteur de la publicité» selon Time Magazine, le précise tout début du livre de 1983 qu’il croit qu’une publicité efficace doit vendre des produits. L’image de marque apparaît peu de temps après, parmi les aspects de « produire une publicité qui vend: »

«L’image de marque signifie la personnalité. Les produits, comme les gens, ont des personnalités et ils peuvent les faire ou les défaire sur le marché. La personnalité d’un produit est un amalgame de beaucoup de choses – son nom, son emballage, son prix, le style de sa publicité, et surtout, la nature du produit en soi. » ~ David Ogilvy

Et si vous avez encore des doutes ou préfèrez les faits statistques de « science du marketing  », je mentionnerai également How Brands Grow de Byron Sharp, et que, bien qu’il démystifie de nombreux mythes du marketing et de la publicité, il mentionne également l’importance de construire des actifs de marque distincts pour contribuer à ce qu’il appelle la disponibilité mentale (en bref, il s’agit de reconnaître une marque dans son esprit comme un facteur de croissance. La notion s’ajoute à celle de disponibilité physique, qui consiste à savoir où et comment vous pouvez acheter quelque chose). Encore plus important, il montre que la croissance de la marque dans une catégorie donnée est le résultat des ventes et de la pénétration du marché (plus sur tout cela une autre fois).

Si vous avez un business, selon la région du monde ou l’industrie dans laquelle vous opérez, vous avez peut-être été plus ou moins préoccupé par les questions de marque et de marketing.

Quel qu’étaient vos connaissances en terms de boulangerie et patisserie française au préalable, mon objectif avec ce premier article était de définir les entreprises et les marques comme des concepts corrélés, et de vous donner l’idée ces deux concepts sont devenus plus complexes au fil du temps.

Ceci me semble être un bon moment pour faire une pause avant le prochain article de la série, dans lequel nous allons considérer la valeur de penser pour les entreprises (avec des bandes dessinées).

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